Mais depuis hier, c'est chose faite!
Je suis parti assez tard (13H30) du Visitor Center, le temps était "acceptable" bien qu'un gros capuchon nuageux cachait l'extrême sommet du Ben.
Le début de la voie (parce qu'il s'agit bien d'une voie!) est facile; ce n'est qu'un très long escalier constitué de gros blocs de pierre.
Puis on arrive à un Loch coincé entre deux montagnes, le chemin se divise alors en deux plus petits, et plus difficiles.
A gauche, un long détour, pour rejoindre The Carn Mor Dearg Arete, un chemin difficile (qui d'ailleurs au bout d'un moment n'est même plus un chemin) pour atteindre le Ben par la face nord.
A droite, le chemin "direct" composé de longs lacets pour finalement atteindre le Ben par la face sud.
Je choisis de prendre la voie de gauche, voie qui disparait donc assez vite, la ballade se poursuit dans une tourbe spongieuse, difficilement praticable. Mais la vue sur Fort William (à gauche) et Banavie (à droite) est très belle!
Après avoir contourné le Ben pour rejoindre la face nord je me retrouve dans une vallée absolument magnifique, une rivière (un torrent!) coule en son centre et de multiples filets d'eaux descendent des deux cotés de la gorge.
(Je n'étais pas si seul)
(Vue, derrière moi)
Et voici la vue, devant moi. Après avoir parcouru la vallée jusqu'au bout, le col permettant de rejoindre le Ben est visible (ouiiii de la neiiiige) mais un épais brouillard s'est subitement formé rendant très inhospitalière la suite de ma traversée. D'autant plus que j'étais seul, sans carte, qu'il était déjà 17H et que je n'avais aucune idée du temps qu'il me restait à marcher...
J'ai donc décidé de faire demi-tour (et je déteste ce genre de décision!)... Je me suis dit que ça irait pour aujourd'hui, que je tenterai le Ben une autre fois.
Et puis finalement en revenant au Loch (là où les deux chemins se séparent si vous avez bien suivi) je me suis dit qu'il ne me restait plus que 4 jours à Fort William, et que c'était trop bête de redescendre après être monté jusque là; alors bien qu'il fut déjà 6h30, j'ai continué l'ascension, sur la voie de droite cette fois-ci.
C'était la partie la plus difficile. Le point positif de la voie de droite est qu'elle existe jusqu'au sommet. Pas de risque de se perdre! Mais elle est très raide, et surtout au bout d'une heure de marche on pénètre dans la couche de brouillard, la température chute d'un seul coup et le vent devient violent... la véritable épreuve commence et le sommet est encore loin.
J'ai véritablement eu l'impression de changer de pays. 5 mn plus tôt il faisait beau, j'étais en t-shirt et le vent était doux...
Sur le chemin j'ai rencontré quatre anglais, quatre amis et collègues de travail de 30/40ans, qui escaladaient le Ben pour un challenge, les trois plus hauts sommets d'Ecosse en 48h, pour la recherche contre le cancer.
Ils m'ont proposé d'atteindre le sommet ensemble, et je suis vraiment heureux de les avoir rencontré parce qu'à ce moment là je songeais à abandonner, il était 19h30, le sommet était encore très loin, j'étais mort de froid, je ne sentais plus mes jambes et j'avais à l'esprit tout ce que j'allais devoir redescendre....
Quand on marche à 5 c'est plus facile, un rythme s'instaure, et puis le fait de parler ça change les idées.
20 mn avant le sommet la neige apparaît!
Puis, enfin, on pose le pied sur le sommet. Et tout s'arrête. Le temps se fige. On oublie tout. J'étais ailleurs, tellement fatigué, tremblant, mais c'était fini.
Une autre planète, ou la lune. On ne voit pas plus loin que 10m, le brouillard est très épais, il n'y a plus du tout de végétation, le sol est lunaire. Le soleil n'existe plus. C'est une sensation vraiment très étrange.
Puis après avoir repris des forces c'est le temps de la redescente. Redescente qui se fait dans la bonne humeur, plus de souffrances, simplement des rires; on va vite, on court presque par moment. On ne voit toujours rien; puis tout à coup c'est magique. Je crois que c'est la plus belle image de cette ascension. Le soleil est toujours invisible, car il est derrière l'épaisse couche de nuage, au sommet du Ben; en revanche la vallée est dégagée. Ainsi, le soleil se reflète dans le Loch de la vallée, et c'est le Loch qui nous renvoie la lumière du soleil. Au début c'est un point très lumineux, on ne distingue que ça; et on ne comprend pas ce que c'est, puis les contours du Loch surgissent du néant, comme un long serpent lumineux, notre seule source de lumière. Je l'ai pris en photo mais évidemment ça ne rend pas le dixième de ce que j'ai pu ressentir en réalité.
Et en cinq minutes, on sort de la couche de nuages...
Intense journée, je suis heureux de ne pas être passé à coté.
Je suis arrivé au point de départ à 21h30, au total 8h de marche quasi non-stop (j'ai même pique-niqué en marchant). Les 3 miles de vélo pour rentrer à l'hotel furent une véritable souffrance...
Aujourd'hui (jour+1) je suis meurtri, mon corps est entièrement courbaturé, je n'ai plus de genoux, par contre j'ai des ampoules énormes aux pieds... mais ça valait la peine de marcher.
EDIT.
Et aujourd'hui évidemment le sommet est dégagé... mais je ne regrette rien; je crois que le sommet qui caresse les nuages rajoute beaucoup de charme à l'épopée.
En tout cas une chose est sûre, je vois le Ben différemment maintenant...
